Comprendre quels sont les enjeux de durabilité dans le cas de l’élevage bovin

Alors que le quotidien vécu dans les fermes reste opaque pour une majorité de personnes, la compréhension des enjeux qui les traversent et la transparence semblent difficile à atteindre.

Alors qu’il serait possible d’écrire sur une quantité et variabilité de thématiques, découvrez-ici un peu plus précisément ce qui se cachent derrière les différents indicateurs de notre évaluation.

Élevage et climat

Les activités d’élevages sont régulièrement pointées du doigt à échelle mondiale pour être d’importantes contributrices aux émissions de gaz à effet de serre. Les chiffres et informations circulant à ce sujet doivent être considérés avec précaution, notamment, il convient de clarifier deux points importants.

Premièrement, les chiffres mondiaux ne sont pas nécessairement équivalents à des chiffres régionaux/nationaux. Alors que le GIEC annonce notamment que 22% des émissions mondiales sont causées par l’agriculture, sylviculture et pêche en 2023, en Belgique, le secteur agricole représenterait 11.4% des émissions nationales. Cette recontextualisation des chiffres ne doit cependant pas amener à un relâchement des efforts déployés pour réduire l’impact climatique de l’agriculture. Tous les secteurs sont concernés, et l’élevage doit aussi faire sa part du travail, prenons simplement garde à ne pas en faire un trop grand bouc émissaire.

Deuxièmement, tous les systèmes d’élevage ne sont pas équivalents les uns aux autres et de fait, ne produisent pas le même niveau d’impact. Trois gaz sont considérés dans le cadre du secteur de l’élevage bovin :

  • Le méthane, CH4, produit dans le système digestif des ruminants
  • Le dioxyde de carbone, C02, lié à la combustion d’énergies fossiles, tant pour la fabrication des intrants et matériel de la ferme que dans la réalisation de ses tâches quotidiennes
  • Le protoxyde d’azote, N2O, essentiellement lié aux fertilisants riche en azote, qu’ils soient d’origine minérale ou organique (fumiers, bouses, lisier, etc.), pendant leur stockage et épandage.

Si le « zéro émission » n’est pas possible à atteindre, les fermes peuvent tout de même mettre en place des séries de pratiques, et concevoir leur système de sorte que ces diverses émissions peuvent être diminuées.

Pour la réalisation optimale de cet objectif, les élevages doivent à la fois faire preuve d’efficience et d’extensivité/autonomie. La première notion implique de ne pas gaspiller les ressources mobilisées et de les transformer en un bon niveau de production, la deuxième que le système ne doit pas représenter une charge trop importante pour l’environnement, notamment via son chargement en bétail (quantité d’animaux à l’hectare) ou encore son niveau d’autonomie en intrants (aliments, fertilisants, etc.).

Autre élément important quand on parle d’impact climatique de l’élevage bovin, les prairies. Les prairies permanentes (jamais labourées) représentent des stockages de carbone important dans les sols, si elles étaient amenées à être labourées pour être cultivées, une partie de ce carbone serait relâché dans l’atmosphère sous forme de CO2. Ces prairies permanentes doivent donc être maintenues, et l’élevage de ruminants permet de valoriser ces surfaces en transformant une matière végétale non digestible par l’homme (les plantes fourragères) en aliments valorisables dans l’alimentation humaine.

Aussi, les prairies permanentes et temporaires jouent un rôle dans la captation de CO2 atmosphérique dans les sols, ce qui permet une compensation partielle des émissions du secteur. Sur ce dernier point, le consensus scientifique semble pourtant compliqué et les centre de recherche s’appliquent à mesurer au mieux les flux de carbone entre atmosphère et sol pour mieux comprendre le mécanisme de captation du CO2 en lien avec des facteurs agronomiques : âge de la prairie, type de sol, type d’exploitation de la prairie (fauche, pâturage notamment), etc.

Élevage et biodiversité

Alors que l’on mesure une érosion générale de la biodiversité à travers le globe, y compris dans les campagnes nous environnant, l’élevage peut avoir un rôle à jouer important dans le maintien d’un patrimoine écologique local.

En effet, les écosystèmes de prairies peuvent être des réserves de biodiversité très importantes. Le développement de l’agriculture et de l’élevage a créé, il y a des siècles, toute une biodiversité liée aux écosystèmes prairiaux, dite spécifique. L’élevage joue un rôle déterminant dans le maintien de ce genre de milieu, pourtant en baisse depuis des décennies en Wallonie, notamment au profit de surfaces urbanisés ou au profit de surfaces de grandes cultures. En effet le pâturage assure l’ouverture du milieu (le fait que la prairie ne s’emboise pas) alors que les écosystèmes terrestres ont généralement tendance à évaluer en écosystèmes forestiers. En Europe occidentale, un territoire 100% forestier est doté d’une moindre biodiversité qu’un territoire composé à la fois de forêts et de milieux ouverts, comme les prairies. Aussi, les activités d’élevage peuvent être de véritables gestionnaires de biodiversité, notamment dans le cadre de sites naturels comme les zones Natura 2000, où le pâturage extensif joue un rôle clé.

Outre ces intérêts généraux des prairies et du pâturage, l’organisation du parcellaire dans l’espace et son maillage écologique sont primordiaux. La littérature s’accorde à dire que des parcelles de petites tailles, avec des occupations de sols variées sont très favorable à la biodiversité. En ce sens, l’élevage représente une opportunité importante de maintenir ou accroître la biodiversité locale dans des zones où les grandes cultures (céréales, pomme de terre, betteraves notamment) sont très présentes. En effet, l’élevage maintien les surfaces de prairies permanentes dans le paysage, mais valorise aussi l’inclusion de prairies temporaires (3 ou 4ans le plus souvent) dans les plans de rotations des grandes cultures. De la sorte, on diversifie sa façon d’occuper ses sols, on crée un maillage écologique plus complexe, et on laisse le sol et la vie qui l’habite tranquille pour la durée de vie de cette prairie temporaire. Le maillage écologique peut aussi être assuré par l’implantation et le maintien d’infrastructures dont les exemples les plus connues sont les arbres, haies, bosquets ou encore mares. En élevage, ces infrastructures écologiques peuvent avoir un rôle à jouer sur le plan agronomique aussi. Par exemple, en diversifiant sa production via un pré verger où cohabitent une activité d’élevage et d’arboriculture, ou encore en utilisant des haies et arbustes comme ressource fourragère de substitution à l’herbe, en période sèche notamment.

Dans un second temps, la façon de gérer son troupeau et ses prairies peut aussi avoir un impact important. Il apparaît de façon assez évidente dans la littérature que c’est une gestion plutôt extensive des prairies qui la favorise le plus : faible chargement en bétail, fauches tardives, etc. Aussi, la gestion du parasitisme est un enjeu récurrent pour le maintien de populations d’animaux coprophages (consommant des déjections), essentiels pour assurer le recyclage de la matière organique, et représentant eux-mêmes une source de nourriture pour d’autres animaux (oiseaux notamment).

A échelle européenne, la PAC (politique agricole commune) essaie de soutenir une diversité de pratiques ayant des impacts positifs sur la biodiversité via ses MAEC (Mesures Agro-Environnementales et Climatiques). Plusieurs de ces dernières sont reprises et valorisées dans le cadre du diagnostic C’Durable?.

Élevage et bien-être animal

Le respect du bien être animal est apparu ces dernières années comme un des enjeux principaux du secteur de l’élevage. Plusieurs scandales appuyés par des associations actives dans la défense des animaux ont fait remonter cette considération aux yeux du grand public. Demande sociétale forte aujourd’hui, le respect du bien-être animal est absolument nécessaire, mais n’est pour autant pas facile à étudier, évaluer, vulgariser.

En Wallonie la loi impose bien-sûr des normes, notamment quant au type de logement des animaux, leur densité maximale ou encore leur transport. Mais nous sommes convaincus du besoin d’aller un peu plus loin et d’offrir une transparence, un droit de regard sur les pratiques qui se déroulent dans les fermes via l’évaluation C’Durable ?
En Wallonie toujours, le code du bien-être animal reconnaît 4 besoins de base, devant être adaptés à l’espèce considérée :

  • L’absence de faim, de soif et de malnutrition,
  • Le besoin d’un environnement confortable (température, abris, couchage, etc.)
  • L’accès à des soins adaptés dans le cas de blessures et maladies
  • La possibilité de se mouvoir, se déplacer

Dans le cadre de notre projet, nous avons donc fait le choix de nous inspirer du label hollandais « Beter Leven » en l’adaptant au contexte wallon, et ce pour évaluer les 4 besoins fondamentaux. Pour autant, nous avons conscience du fait que les connaissances et les méthodes d’évaluation changent, que des critères évalués peuvent aussi prendre de plus en plus d’importance dans le temps. En ce sens, notre diagnostic sur le bien-être animal est évolutif, et sera réadapté dès que jugé nécessaire. Crée en 2021, l’évaluation connaîtra sa première transformation en 2024, toujours pour plus de transparence et de réponse aux attentes sociétales.

Actuellement et à titre d’exemples (non exhaustifs), le diagnostic C’Durable? valorise positivement les élevages qui minimise le temps de présence des animaux intégralement en bâtiment (saison hivernale souvent), qui évitent d’écorner leurs animaux ou mettent en place des conditions spécifiques liées à la pratique, qui proposent des surfaces de couchage propres et sèches, qui sèvrent tardivement les veaux, etc.

Élevage et durabilité socio-économique


Ce n’est malheureusement un secret pour personne, le secteur de l’élevage fait face à d’énormes défis sur le plan des performances socio-économiques. En effet, le secteur n’accuse souvent pas d’une bonne rentabilité, la faute à des prix toujours tirés vers le bas par le secteur agro-industriel, à des postes de charges en constante augmentation, à la mise en compétition sur des marchés mondiaux, etc.

Au-delà de la rentabilité même d’une ferme, c’est l’attractivité du secteur qui est aussi mise à mal, de moins en moins de repreneurs et repreneuses se lancent. De nombreuses structures sont donc vouées à disparaître ou à passer aux mains d’entrepreneurs, investisseurs, grands groupes ou autre. L’agriculture paysanne et familiale est menacée par cette situation préoccupante.

La durabilité socio-économique étant absolument essentielle à la survie et évolution d’une ferme, il ne nous était pas possible de ne pas la considérer dans le diagnostic C’Durable ? Dans notre cas, c’est plutôt une analyse sur les résultats comptables, économiques donc, qui est effectué à la demande de l’éleveur ou de l’éleveuse. Confidentiels, ces résultats et indicateurs n’ont pas vocation à être rendu public, mais peuvent permettre à la ferme concernée d’aborder ses performances et son fonctionnement sous un nouveau jour.

Dans les critères étudiés ici, nous parlons par exemple du potentiel transmissible de la ferme, de sa dépendance aux systèmes d’aides, de son efficience de production, etc.

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